Un élargissement soudain : Sans avertissement, à minuit et une minute samedi dernier, l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) a été élargie et s’applique désormais à l’ensemble des 9 000 kilomètres de la frontière entre les États-Unis et le Canada.
Expulsion sans équité procédurale : En vertu de l’ETPS, toute personne migrante interceptée en train de traverser la frontière à pied ou par voie navigable sans visa peut maintenant être expulsée sans être entendue. Les personnes qui arrivaient auparavant au Québec par le chemin Roxham sont donc maintenant expulsées.
Les demandeur.euse.s d’asile intercepté.e.s dans les 14 jours suivant leur entrée au Canada peuvent être expulsé.e.s : Tout.e demandeur.euse d’asile arrivé.e des États-Unis doit maintenant prouver avoir été au Canada pour une période de 14 jours consécutifs pour pouvoir présenter une demande. À défaut de pouvoir le faire, elles et ils seront expulsé.e.s sans être entendu.e.s, à quelques exceptions près.
Les migrant.e.s en crise du côté américain de la frontière : les personnes migrantes qui arrivent au Canada à pied sont maintenant arrêtées, et celles et ceux qui ne remplissent pas les critères justifiant une exception sont remises aux autorités frontalières américaines qui les emprisonnent ou les laissent dans la ville de Plattsburgh, dans l’état de New York. La plupart de ces personnes n’ont nulle part où aller, ayant dépensé toutes leurs économies pour se rendre à la frontière. Bien des personnes migrantes n’ont pas de vêtements d’hiver pour se protéger de températures qui descendent souvent sous zéro.
Bien que l’élargissement de l’entente soit récent, l’ETPS, elle, ne l’est pas, ayant été conclue en décembre 2004. Jusqu’au week-end dernier, elle ne s’appliquait qu’aux points d’entrée dits « officiels », c’est-à-dire que les réfugié.e.s qui traversaient la frontière à pied à n’importe quel autre endroit sur la frontière pouvaient toujours solliciter le statut de réfugié.e. Dans les dernières années, le chemin Roxham est devenu le passage le plus fréquemment emprunté.
Les États-Unis ne sont pas sécuritaires pour les réfugié.e.s : L’ETPS a été créée en partant du principe que les réfugié.e.s arrivant au Canada ou aux États-Unis doivent demander le statut de réfugié.e dans le premier « pays sûr » dans lequel elles et ils arrivent. Cependant, les États-Unis ne constituent plus un « pays sûr » pour tou.te.s les réfugié.e.s. En 2022, par exemple, le taux d’acceptation des réfugié.e.s haïtien.ne.s aux États-Unis était de 8 % ; pour les réfugié.e.s en provenance du Mexique, ce taux était de 5 %. Les réfugié.e.s sont fréquemment criminalisé.e.s; les enfants, fréquemment emprisonné.e.s; et il faut des années pour obtenir une décision sur une demande d’asile.
Déjà, des migrant.e.s perdaient la vie : l’ETPS forçait déjà de nombreuses personnes à entreprendre des voyages dangereux pour traverser la frontière, et ce, dans les deux sens. Au cours des derniers mois, deux personnes migrantes, Fritznel Richard et Jose Leos Cervantes, sont morts en traversant vers les États-Unis à pied depuis le Canada.
Un élargissement qui entraînera encore plus de souffrances pour les migrant.e.s : L’ETPS s’appliquant désormais à la frontière dans son entièreté, les migrant.e.s devront emprunter des passages encore plus reculés et difficiles à traverser pour éviter d’être détecté.e.s. Par conséquent, beaucoup d’autres personnes mourront. De plus, la règle des 14 jours signifie que les demandeur.euse.s d’asile qui traversent à pied devront entrer dans la clandestinité pendant deux semaines, période au cours de laquelle elles et ils seront grandement à risque d’être exploité.e.s et maltraité.e.s.
Le premier ministre Trudeau a baissé les bras face au racisme : Même s’il n’a été annoncé que vendredi, l’élargissement de l’ETPS a été négocié en secret il y a plus d’un an. Il s’agissait d’une réponse aux demandes anti-réfugié.e.s croissantes émanant de politiciens racistes. Dépendant de la source d’information gouvernementale à laquelle on se fie, entre 20 000 et 40 000 réfugié.e.s, presque tou.te.s racialisé.e.s, seraient entré.e.s à pied au Canada depuis les États-Unis en 2022. Au cours de cette période, plus d’un demi-million d’Ukrainien.ne.s, presque tous blanc.he.s, ont obtenu des permis pour venir au Canada, sans que cela ne cause une réaction hostile.
Mais ce n’est pas encore fini. La Cour suprême du Canada rendra bientôt sa décision sur la légalité de l’ETPS. Même dans l’éventualité où la Cour trancherait en faveur de l’Entente, les personnes migrantes et les réfugié.e.s continueront de prendre toutes les mesures nécessaires pour se déplacer dans la sécurité et la dignité. En tant que mouvements de personnes migrantes, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les soutenir. Nous devons continuer à nous opposer à la guerre, à l’inaction climatique et à l’oppression économique dans les pays du Sud, dont le Canada profite, et qui obligent les gens à migrer.
Nous allons continuer à nous battre pour un statut pour tou.te.s : nous allons continuer à agir pour les droits et la dignité de toutes les personnes migrantes et à exiger le statut de résidence permanente pour tou.te.s, car c’est le seul moyen d’accéder aux droits et à la liberté. En ce moment, nous agissons pour :
- La régularisation des sans-papiers, sans exception. Nous voulons un programme non plafonné qui accorde le statut de résident.e permanent.e à tou.te.s les sans-papiers, sans exception. Nous devons nous engager à faire tout ce qui est nécessaire pour nous assurer que personne n’est laissé pour compte.
- Les travailleur.euse.s migrant.e.s, y compris les travailleur.euse.s sociaux.ales, les travailleur.euse.s agricoles et les travailleur.euse.s de la pêche, doivent obtenir le statut de résident.e permanent.e et être uni.e.s à leurs familles, et ce, sans exigences injustes en matière d’accréditations scolaires et de tests linguistiques.
- Tous les travailleur.euse.s migrant.e.s, sans exception et y compris les travailleur.euse.s saisonnier.ère.s, doivent obtenir un statut de résident.e permanent.e et jouir des droits au travail et au logement.
- Les personnes migrantes étudiantes travailleuses doivent avoir accès à un traitement équitable à l’école ainsi qu’au travail, et doivent pouvoir obtenir le statut de résident.e permanent.e sans subir d’exclusion.