La lutte contre la double peine
Face à la déportation : les procédures juridiques
Victor Morales habite à Montréal depuis l’âge de sept ans. Il a maintenant 40 ans. Les membres de sa famille furent acceptés comme réfugiés après avoir quitté le Chili sous le régime de Pinochet à la fin des années 1970. Victor est devenu un résident permanent du Canada, mais il n’est pas citoyen canadien.
Après 32 ans de résidence et de travail à Montréal, Victor Morales a été ciblé par un ordre de renvoi vers son pays natal en février 2011. Victor a contesté l’ordre de déportation à la Cour fédérale pour le bien de ses trois enfants canadiens et de sa mère malade qui dépend de lui, son principal aidant naturel. Sa demande pour un sursis de déportation se fait au nom du meilleur intérêt de ses enfants et de la protection de la vie familiale. Le médecin de sa mère, Dr Sylvie Vezina, a écrit dans une lettre soumise à la cour que la déportation de Victor aurait un impact négatif sur la santé de cette dernière.
À l’audience de M. Morales tenue le 31 janvier devant la Cour, l’avocate de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), Sylvie Brochu, a soutenu que la déportation du musicien Montréalais devait se faire sans délai, considérée la « grande criminalité » de Morales.
Cet argument a été rejeté par le juge fédéral Yves de Montigny qui a affirmé, dans sa décision lui accordant un sursis de déportation, qu’il ne s’agissait pas de « quelqu’un qui a commis de graves infractions criminelles ». De plus, le juge a spécifiquement souligné que le CIC doit prendre en compte le bien-être des enfants de Morales dans toute décision concernant cette affaire. En effet, le juge a souligné les inquiétudes émises par l’avocat de Morales, en reprochant à l’agente de n’avoir « pas suffisamment tenu compte de l’intérêt des enfants du demandeur » et d’avoir « rejeté plusieurs lettres d’appui sans raison valide et pour le seul motif qu’elles provenaient de personnes intéressées ».
Selon l’avocat de Morales, Stewart Istvanffy, « le Canada est un des seuls pays à expulser quelqu’un qui a commis des infractions criminelles mineures bien qu’il ou elle ait des enfants canadiens », ce qui représente, pour ce dernier, « une violation évidente du droit international ».
Neuf mois après son sursis de déportation, Victor a apporté de nouvelles preuves devant la Cour fédérale le 12 octobre afin de demander une révision du refus de sa demande de résidence pour motifs humanitaires. Son avocat a notamment souligné l’abus qu’il y a à imposer une deuxième peine à un homme ayant déjà payé ses offenses à la société, sans compter que cette seconde peine aurait pour effet de détruire brusquement la vie de Victor au Canada et de voler un père à trois jeunes canadiens et un aidant naturel à une aînée malade.
Présentement, Victor attend la décision du juge de la Cour fédérale.
L’être cher de la famille Morales : derrière la criminalisation
Victor a travaillé à se construire une vie normale au Québec comme musicien. Il joue un rôle essentiel auprès de ses trois enfants et auprès de sa mère en phase terminale, une citoyenne canadienne de 65 ans.
De plus, Victor a multiplié les efforts dans les dernières années pour surmonter les traumatismes et les dépendances qui frappent souvent les adultes ayant vécu de la violence familiale durant leur enfance. Le traitement par une clinique spécialisée en stress post-traumatique (SPT) a aidé Victor à trouver d’autres moyens à supporter son SPT développé dans une enfance marquée par un père abuseur, alcoolique et violent à l’égard de sa femme. Pendant que son SPT et ses dépendances demeuraient sans traitement, il fut trouvé coupable d’offenses mineures, dont la possession de marijuana, offenses pour lesquelles il a déjà purgé une peine de prison. Après avoir complété le programme Alcooliques Anonymes, il a depuis 2004 surmonté avec succès sa lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie. Depuis sept ans, Victor n’est pas retourné en prison et n’a plus retouché à l’alcool ou aux drogues.
Il est fier d’avoir choisi une nouvelle voie, d’avoir renouvelé son engagement auprès de ses enfants et de sa mère souffrante. Chaque jour de la semaine, il fait le souper de ses enfants. Il tient profondément à être aussi présent que possible pour ses enfants, à les encourager dans leurs études et à les préserver de l’alcool et de la drogue. Il est aussi membre d’une église Évangeliste au coeur du quartier Villeray à Montréal.
Le gouvernement Harper veut faire payer à nouveau Victor et sa famille, plusieurs années après que Victor a complété sa peine pour des offenses mineures commises en une période troublée de sa vie.
La double peine attire l’attention sur les drames que la déportation provoque et l’injustice qu’elle représente. La double peine est une symbole d’une discrimination institutionnelle flagrante à l’égard des non-citoyens.