Ce qui suit est un survol des luttes engagées par quelques familles ou personnes dans l’espace public contre le système d’immigration cette année à Montréal et dans ses alentours.
La famille Pavon-Aguila, établie à Sainte-Hyacinthe, menacée de déportation en janvier 2013, est partie pour le Mexique à la mi-février
La lutte de la famille Pavon-Aguila s’est déroulée dans un contexte d’escalade des attaques visant les migrants et les réfugiés. Le 15 décembre, le gouvernement canadien a mis en œuvre la loi C-31, qui établit un système d’examen des demandes d’asile à deux vitesses et raciste dont l’objectif est d’accélérer les délais de traitement et de restreindre considérablement l’accès à l’asile en distinguant les demandeurs d’asile selon leurs pays d’origine. Il est clair que cette législation va conduire à une augmentation sans précédent du nombre de migrants visés par des mesures de déportations. À ce jour, on estime que 15 000 personnes ont été déportées depuis 2008, avec une moyenne de 7 mexicains par jour.
Letitia Aguila, Esteban Pavon et leurs deux filles, Fernanda et Stephanie, sont arrivés au Canada le 22 janvier 2009. À la suite de nombreux épisodes de menaces, de violences et de rapts des gangs, ils ont décidé de déposer une demande d’asile au Canada – demande qui sera rejetée le 21 décembre 2012. À l’époque, Michel Jodoin, commissaire à la commission de l’immigration et du statut de réfugié, a estimé que le risque pour la famille d’être renvoyée au Mexique ne dépassait pas le risque général que connaissent tous les mexicains, concluant au passage que les membres des gangs qui effrayaient la famille les avaient oublié depuis le temps. De leur côté, les Pavon-Aguila doutaient d’avoir été aussi facilement oubliés et craignaient en conséquence pour leur sécurité au Mexique.
En soutien à la famille, des centaines de membres de la communauté de Saint-Hyacinthe se sont mobilisés pour réclamer l’arrêt de la procédure de déportation.
À la mi-février 2013, la famille a pris la décision de partir pour le Mexique, avant d’être contrainte par l’Agence des Services Frontaliers du Canada, avec l’espoir de pouvoir revenir à Saint-Hyacinthe.
La lutte continue.
Sami Sheikh est devenu résident permanent en janvier 2013
Sami est arrivé à Montréal en 2000, à l’âge de 12 ans, avec ses parents et ses deux sœurs. Fuyant la répression politique au Pakistan, ils ont été acceptés comme réfugiés au Canada. En 2007, la famille a été dénoncée aux services d’immigration Canada par l’ex-conjoint, devenu violent, de l’une des sœurs pour avoir omis un détail dans leur demande d’asile – détail que leur conseiller juridique leur avait suggéré d’omettre à l’époque. Suite à cela, Sabir Mohammed et Seema Sheikh ont été déportés aux États-Unis en 2009, où ils sont actuellement en train d’obtenir le statut de résident permanent.
Au moment de la déportation des parents, le dossier de Sami ainsi que celui de ces sœurs ont été réévalués par les services d’immigration Canada. Plusieurs années ont passé avant que Sami ne soit informé du refus de sa demande d’asile et de la mesure de déportation au Pakistan – pays où il n’a jamais vécu – qui le vise alors.
Faisan face à cette situation, Sami a décidé d’engager une campagne publique, avec l’aide et le soutien des habitants de son quartier, Parx-Extension, de plusieurs membres de Solidarité Sans Frontières et de son avocat. En janvier 2013, la décision a finalement été renversée. Sami a obtenu le statut de résident permanent pour motif d’ordre humanitaire. « Je ne savais ni ce qui allait arriver ni quand cela allait arriver » explique Sami. « Maintenant je peux à nouveau me projeter dans le futur, ici. ».
À Parc-Extension, un quartier dont le taux de pauvreté et de population immigrante est l’un des plus élevé de la ville, Sami est un parmi tant d’autres individus et familles à lutter quotidiennement contre le système d’immigration actuel.
La famille Gohtra-Singh a réussi à obtenir une suspension de déportation, dans l’attente d’autres décisions, en janvier 2013
À la suite d’un bras de fer de plus de 10 ans avec la bureaucratie canadienne de l’immigration et du droit d’asile, la famille Gohtra-Singh a été informée qu’elle serait déportée en Inde en janvier 2013 – pays où ils n’ont aucune attache.
Madame Reetu Gohtra et son mari Monsieur Shimbi Singh vivent dans le quartier montréalais de Parx-Extension avec leurs deux enfants, Kamal et Pardeep, qui sont nés à Montréal et qui y suivent leur scolarité. Kamal, 11 ans, est inscrit dans une école pour enfants nécessitant des soins particuliers.
Le 15 janvier, la famille a réussi à obtenir une suspension de la décision de déportation.
À présent, la famille continue à lutter contre ce système d’immigration tout en donnant la priorité, malgré des conditions de vie extrêmement stressantes, à une vie la plus stable possible pour leurs enfants.
La famille Reyes-Méndez a été déportée au Mexique en Décembre 2012
Ces 6 dernières années, la corruption et la violence qui sévissent au Mexique ont provoqué la mort d’au moins 60 000 personnes. Cette situation est encore largement ignorée par le gouvernement canadien, qui continue à déporter en grand nombre les mexicains, à un rythme de 7 personnes par jour.
Bien qu’ils risquent d’être capturés, kidnappés et assassinés par des policiers mexicains corrompus, la famille Reyes-Méndez apprend qu’elle est visée par une mesure de déportation au Mexique en janvier 2013.
À la suite d’une importante mobilisation de la communauté, initiée par la famille avec le soutien de Mexicains Unis pour la Régularisation (MUR), les Reyes-Méndez ont été déportés le 19 janvier 2013.
En refusant de reconnaitre le statut de réfugié à la famille Reyes-Méndez (et à tant d’autres qui viennent, pour des raisons similaires, chercher refuge au Canada), le gouvernement Harper leur fait courir à tous un grand risque. Les cas de personnes assassinées après s’être vu refuser le statut de réfugiés puis déportés au Mexique ne sont pas rares.
Tristes et en colère, nous continuons la lutte.