Est-ce que l’emprisonnement des migrant-e-s au Canada est nouveau?
Non. Le Canada détient des migrant-e-s et des réfugié-e-s depuis sa fondation en tant qu’état, héritant de cette pratique de l’Angleterre, qui l’utilisait pour contrôler l’accès aux terres qu’elle colonisait. À plusieurs moments durant son histoire, le Canada a détenu des migrant-e-s dans des camps de quarantaine et d’internement, dans des hangars dans des ports d’entrée, dans des hôtels reconvertis et dans des prisons régulières.
En ce moment, Il y a trois prisons dédiées aux migrant-e-s: le Centre de Prévention de l’Immigration de Laval, le Centre de surveillance de l’immigration de Toronto et le Centre de surveillance de l’immigration de l’aéroport international de Vancouver. Un nouveau centre est en construction à Surrey, en Colombie Britannique. Le Canada continue également à détenir des migrant-e-s dans des prisons provinciales.
Pourquoi dites-vous prison plutôt que centre de détention?
“Centre de détention” est un terme utilisé pour cacher la violence de l’emprisonnement. Nous disons prison pour que ça soit clair que les personnes y sont retenues contre leur gré, en cage, au détriment de leur santé mentale et physique.
Nous utilisons également le mot prison pour mettre en lien la détention et la déportation des immigrant-e-s avec l’incarcération criminelle. Nous voyons les systèmes d’immigration et carcéraux comme travaillant de pair pour contrôler et exploiter le travail, la terre et les ressources des peuples colonisés, que ce soit ici au Canada ou globalement.
Pourquoi le gouvernement construit-il une nouvelle prison? Qu’est ce que le Cadre national en matière de détention liée à l’immigration (CNDI)?
En 2011, 2013 et encore en 2016, des migrants détenus sur de longues périodes dans des prisons provinciales en Ontario ont fait des grèves de la faim pour revendiquer la fin des traitements inhumains du Canada envers les migrant-e-s. Dans la même période, plusieurs autres personnes, incluant Lucia Vega Jimenez, Jan Szamko, Mljioro Gahunhu et Abdurahman Hassan sont morts en détention d’immigration.
En réponse à cela, le Ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale a lancé le Cadre national en matière de détention liée à l’immigration (CNDI). Le CNDI allouait 138 millions de dollars sur 5 ans pour la construction de deux nouveaux centres de détention pour migrant-e-s et à la mise en place “d’alternatives à la détention”. Bien loin de répondre au problème sous-jacent, ces investissements ont plutôt renforcé et agrandi le système de détention de l’état.
Pourquoi les migrant-e-s et les réfugié-e-s sont détenus?
La détention est un outil clé pour contrôler l’immigration au Canada. Les migrant-e-s et les réfugié-e-s sont détenus pour faciliter leur déportation du Canada.
Il y a trois assises légales que l’Agence des Services Frontaliers du Canada (ASFC) peut invoquer pour détenir des personnes: le risque de fuite (la croyance que la personne ne va pas volontairement se soumettre à leur déportation); la personne est incapable de convaincre l’ASFC de leur identité; ou la personne est suspectée d’être un danger pour le public. 80,6% des détentions se font sur la base d’un “risque de fuite”.
Y a-t-il une limite de temps passé en détention en immigration au Canada?
Non. Le Canada est un des rares pays au monde qui détient les gens indéfiniment, ce qui signifie que les gens peuvent être emprisonnés pour des mois ou même des années et n’avoir aucune idée de quand (ou de di) ils seront libérés. Par exemple, Ebrahim Toure a été détenu cinq ans et demi sous la base d’un risque de fuite jusqu’à sa libération en 2018.
Les détenu-e-s sont présentement amenés devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) une fois par mois pour une révision de détention; si elle est maintenue, la détention continue. La Cour Suprême a finalement statué en mai 2019 que le principe de l’habeas corpus s’applique aux détenu-e-s migrant-e-s. Cela aura un impact sur les personnes détenues à long terme.
Y a-t-il des enfants détenus au Canada?
Oui. Bien que le Ministre de la Sécurité Publique aie annoncé en 2018 que le Canada tenterait d’arrêter de détenir des enfants, des mineurs sont encore régulièrement emprisonnés avec leurs parents au Canada. Pour l’année 2017-2018, 144 mineurs ont été détenus dans des établissements au travers du Canada. D’autres ont été séparés de leurs parents, qui eux étaient détenus. Les plans pour la nouvelle prison à Laval montrent que l’intention de poursuivre cette pratique est bien là: ils incluent un terrain de jeu pour enfants et une salle familiale pour permettre aux pères en détention de visiter leurs enfants en détention.
Une étude a montré que, sans surprise, les enfants détenus au Canada ont de la difficulté à dormir, perde l’appétit et l’intérêt pour le jeu, et développent des symptômes de dépression et d’anxiété de séparation, ainsi que plusieurs symptômes physiques – plusieurs de ces symptômes persistent après leur libération (Rachel Kronick, 2014).
La nouvelle prison pour réfugié-e-s à Laval
La nouvelle prison pour réfugié-e-s est conçue pour détenir 158 migrant-e-s et réfugié-e-s. Elle est construite sur des terrains appartenant aux Services Correctionnels du Canada, juste à côté de la prison Leclerc. Les clôtures autours de la prison sont supposées être couvertes de verdure afin de limiter la “sévérité de l’apparence”, les barres de fer aux fenêtres doivent être “aussi imperceptibles que possible pour le public à l’extérieur”, et l’aire pour enfants doit être cachées par une “barrière visuelle” de six pieds de haut.
Alors que c’est présenté comme un établissement plus convivial, plus “humain”, il est clair que le gouvernement est très soucieux de cacher la nature carcérale de la prison. Ultimement, la nouvelle prison fait partie des investissements de 138 millions de dollars pour améliorer la capacité du gouvernement à détenir et à déporter des migrant-e-s et des réfugié-e-s.
Que sont les “alternatives à la détention”?
Un autre élément du Cadre national en matière de détention liée à l’immigration est ce que le gouvernement appelle des “alternatives à la détention”. Alors que ces programmes ne reçoivent qu’environ 4% du budget, ils sont centraux dans le marketing du plan, et présentés comme une approche plus haime pour contrôler les migrant-e-s.
En réalité, ces technologies permettent à l’état d’augmenter sa capacité à surveiller et à contrôler les migrant-e-s hors des prisons, par exemple via la surveillance par le système GPS des cellulaires qui force les migrant-e-s à se rapporter par téléphone régulièrement et qui catalogue et numérise leur empreintes vocales. De plus, elles ne mèneront pas à une diminution du nombre de personnes placées en détention.
Pour plus au sujet de la détention en immigration au Canada (en anglais):
https://endimmigrationdetention.com/
Pour plus sur le projet proposé:
https://www.stopponslaprison.info