Depuis 2017, des dizaines de milliers de personnes sont arrivées à pied au Canada à partir des États-Unis par des passages frontaliers irréguliers, cherchant un refuge sécuritaire. Chaque jour, les gens continuent d’arriver.
Ce phénomène est souvent attribué à Trump, mais il faut le comprendre dans un contexte global et historique: à travers le monde, des dizaines de millions de personnes ont été obligées de quitter leurs foyers en raison de guerres, d’oppression politique, de violence militaire, de l’extractivisme, des changements climatiques, etc. Tout comme les États-Unis, bien qu’il soit directement impliqué dans la dévastation économique et sociale de pays du Moyen Orient, d’Amérique Latine, des Caraïbes, d’Afrique et d’Asie, et bien qu’il soit fondé sur des territoires autochtones volés, et qu’il continue d’être directement impliqué dans les génocides et déplacements forcés actuels des peuples autochtones, l’État canadien revendique, ironiquement, le droit de limiter qui peut entrer et qui peut rester légalement sur ces terres autochtones volées.
Rejetant les discours racistes, et spécifiquement islamophobes, qui courent concernant les migrant-e-s, Solidarité sans frontières appelle à l’ouverture des frontières, à bâtir des “cités sans frontières” (une solidarité radicale et de l’entraide mutuelle), à la fin des déportations, des détentions des migrant-e-s et de la double peine, ainsi qu’à un processus de régularisation continu et inclusif (un statut pour tou-te-s maintenant!).
Apartheid global
Les régimes de frontières poussent les migrant-e-s d’un pays à l’autre; ils séparent les familles; les forcent à embarquer sur des bateaux qui coulent, à traverser les déserts et la neige. Les frontières tuent.
Cette violence n’est pas arbitraire. Les frontières jouent un rôle crucial pour le système capitaliste et sa « crise des migrants ». Les frontières nord-américaines, établies à l’origine par des guerres coloniales pour implanter les revendications des colons européens, sont également un moyen de contrôle migratoire. Elles empêchent les personnes de sortir de la violence, de la pauvreté et de l’exploitation. Les frontières poussent les gens dans la précarité sans statut légal, les criminalisant, et les rendant des proies plus faciles à l’exploitation capitaliste et patriarcale. Les frontières maintiennent le système d’apartheid global en place.
Tentatives d’expansion du pacte d’exclusion des réfugié-e-s
Les réfugié-es traversant des États-Unis vers le Québec et le Canada n’ont d’autre choix que de traverser de manière irrégulière à Roxham Road et à d’autres points d’entrée ad hoc depuis l’entrée en vigueur de l’Entente sur les tiers pays sûrs en 2004. Cette entente entre le Canada et les États-Unis empêche les migrant-e-s, à quelques exceptions près, de présenter une demande d’asile à un poste-frontière canadien régulier si elles et ils proviennent des États-Unis (et inversement). Cela signifie que les migrant-e-s qui entrent au Canada en provenance des États-Unis ne peuvent demander le statut de réfugié que s’ils et elles traversent de manière «irrégulière». Cette politique a déjà coûté la vie à des migrant-e-s: nous honorons la mémoire de Mavis Otuteye, décédée en juin 2017. Elle a également provoqué la déportation de plusieurs personnes ou forcé de nombreuses autres à vivre sans statut pour éviter l’expulsion.
Le nouveau ministre canadien de la «Sécurité frontalière» a commencé à faire pression sur les autorités américaines pour qu’elles modifient l’Entente sur les tiers pays sûrs afin qu’il s’étende sur toute la frontière. S’il réussissait, la frontière serait complètement fermée aux réfugié-e-s (à quelques exceptions près). Parallèlement, en avril 2019, le gouvernement a présenté un nouveau projet de loi qui, s’il était adopté, empêcherait les personnes qui ont demandé l’asile aux États-Unis (et en Angleterre, en Australie et en Nouvelle-Zélande) de faire une demande d’asile au Canada.
Le système de réfugié-e-s: masquer le politique, briser la solidarité
Les gens qui surmontent les nombreux obstacles et parviennent à faire une demande d’asile au Canada sont poussé-es à mettre tous leurs efforts et espoirs dans leur cas individuel en essayant de prouver qu’ils et elles sont de “vrai-es réfugié-es” et de “bon-nes immigrant-es”. Cette bataille bureaucratique longue et dépolitisée provoque l’isolement, est épuisante, souvent humiliante et garde le focus loin de la lutte collective et de la solidarité.
À la fin de ce long processus, plusieurs demandes sont rejetées. Au cours des quelques dernières années, en moyenne, 40% des demandes de statut de réfugié-e présentées depuis l’intérieur du pays ont été refusées. Les réfugié-es font face à un choix: demeurer au Canada sans papiers ou être déporté-es vers leur pays de citoyenneté.
Le système canadien de demande de statut de réfugié-e travaille donc silencieusement et efficacement à préserver un apartheid global: en jugeant les gens individuellement, et ensuite, discrètement, loin de la lumière des projecteurs médiatiques, en les déportant ou en les criminalisant, un-e par un-e.
Rejeter les divisions racistes
Le discours mainstream nourrit les divisions entre les groupes sociaux qui devraient être alliés contre une distribution injuste de la richesse et du pouvoir.
En présentant au mieux la question comme étant humanitaire plutôt que politique, la couverture médiatique cache souvent le rôle que jouent les frontières dans le maintien de cette distribution inégale. La façon dont le Canada a contribué à appauvrir et à pousser les gens loin de leur foyer en premier lieu n’est jamais mentionnée.
Les groupes d’extrême-droite comme la Meute et Storm Alliance au Québec sont enhardis par la normalisation d’attitudes islamophobes et racistes. Ces groupes d’extrême-droite ont tenté de convaincre les gens que les migrant-es qui traversent de manière irrégulière sont des “criminel-les” et volent “nos ressources”. En jouant sur la peur européenne de longue date, raciste et islamophobe, des hommes et des femmes de couleur, les groupes d’extrême-droite à travers l’Europe, les États-Unis, le Canada et le Québec répandent la confusion et la peur à propos de “l’invasion” et du “terrorisme”, et encouragent l’État à étendre le contrôle des frontières ainsi que la surveillance des migrant-es.
Au lieu de définir le conflit par une division entre les riches/puissant-e-s et les pauvres/opprimé-e-s, à l’intérieur et à l’extérieur de Canada, le conflit est largement défini par une division entre les gens (blancs) à l’intérieur du Québec ou du Canada et les gens de l’extérieur/qui viennent d’arriver.
Appel à l’action!
NOUS SOUTENONS LA LIBERTÉ DE TOU-TES LES MIGRANT-ES DE RESTER, DE CIRCULER ET DE REVENIR. PLUS SPÉCIFIQUEMENT, NOUS SUPPORTONS LES MIGRANT-ES AUX ÉTATS-UNIS, QU’ILS ET ELLES CHOISISSENT DE SE BATTRE POUR RESTER AUX ÉTATS-UNIS, OU DE TRAVERSER VERS LE CANADA DE QUELQUE MANIÈRE QUE CE SOIT.
FACE AU TRAITEMENT DE CAS-PAR-CAS IMPOSÉ PAR L’ÉTAT, NOUS DEVONS PASSER À L’ACTION COLLECTIVEMENT ET SE SOUTENIR MUTUELLEMENT.
TOUT EN NOUS OPPOSANT À LA PROPAGANDE ANTI-MIGRANT-ES ET À SES DIVISIONS FABRIQUÉES DE TOUTE PIÈCE, NOUS DEVONS CONSTRUIRE DES SOLIDARITÉS CONCRÈTES.
Actions à entreprendre dans nos communautés
A travers le Québec et le Canada:
- SSF appelle à une Semaine d’actions du 20 au 27 mai 2019 pour contester la dangereuse et injuste Entente sur les tiers pays sûrs (avec des événements publiques, des forums, des actions dans les médias, etc.);
- Organisez/joignez des mobilisations demandant que le Canada abandonne son approche au cas-par-cas et implémente plutôt un programme de régularisation immédiate pour tou-tes celles et ceux qui traversent la frontière ET toutes les personnes sans statut qui sont déjà au Canada;
Dans la région de la frontière:
- Organisez-vous avec vos voisin-es (des deux côtés de la frontière); affichez des pancartes montrant votre support aux personnes qui traversent (“réfugié-es bienvenu-es”, etc.); si vous voyez des personnes traverser, offrez-leur du support de la manière qu’ils et elles le désirent et n’appelez PAS la GRC à moins que la personne ne vous le demande;
- Explorez la région autour de la frontière et aidez à mettre en place l’infrastructure nécessaire pour aider les personnes à traverser librement et en toute sécurité.
À Montréal:
- Supportez la mobilisation qui mènera à la marche Ensemble pour une Cité sans frontières! Statut pour tou-tes! et venez à la marche le 16 juin (à 14h30 au parc Nelson Mandela dans Côte-des-neiges).
- Supportez les mobilisations contribuant à créer une Cité sans frontières incluant des campagnes pour l’accès aux soins de santé, au logement, à l’éducation, à la nourriture; joignez les efforts pour empêcher toute coopération entre le SPVM et l’ASFC.
- Organisations qui offrent des services: signez notre déclaration pour une Cité sans frontières ici: http://bit.ly/2lFerMi
- Joignez-vous à la lutte contre la construction d’une nouvelle prison pour migrant-es à Laval. Plus d’info sur des idées d’action: /fr/new-migrant-prison-being-constructed-in-laval-lets-stop-it; www.stopponslaprison.info
En général, nous appelons à l’organisation efficace de façon non-hiérarchique et inclusive, initiée par des membres de la communauté, basée sur l’entraide et la solidarité radicale, l’emploi d’une diversité des tactiques et de l‘action directe pour renforcer la résistance de nos communautés face aux frontières dans nos villes, combattre les déportations et les détentions, vaincre le mouvement fasciste et soutenir activement les luttes anti-coloniales et la souveraineté des peuples autochtones.